top of page

Photographies de David Dubois

Trouver la sortie

 

 

 

Plusieurs contes de sagesse relatent les aventures d'un homme qui part au loin à la recherche de quelque fabuleux trésor, pour finalement découvrir qu'il se trouvait justement au lieu de son départ. Paulo Coelho s'en est inspiré.

​

Il est vrai que, l'homme étant un animal désirant, il cherche. Comme il ne semble jamais faire aucune trouvaille définitive, on peut dire qu'il erre, et partager le pessimisme lucide de Pascal, pour qui tout le malheur de l'homme vient de ce qu'il ne peut rester en repos dans une chambre, à l'image du moine. Moi, je veux bien rester dans une chambre, à condition qu'elle soit inépuisable en informations et d'une richesse infinie. Ne trouvant d'ordinaire rien de tel, je quitte ma chambre. C'est ainsi que je me suis retrouvé au pied d'un magnifique monastère situé, comme il se doit, au fin fond des Himalayas (politiquement en Inde, mais culturellement au Tibet).

​

Et là, je me suis rappelé le conseil d'un très vieil ami. Nous cherchons dans toutes les directions, dit-il, sauf une : celle qui va vers Celui Qui Regarde, Ici, à zéro mètres d'où vous et moi sommes. Il suggère que voir celui qui cherche pourrait bien être la trouvaille la plus extraordinaire, incroyable et profonde qui soit. L'indication est précise : il faut et il suffit de retourner l'attention - le regard - de 180° vers soi.

​

Face à ce monastère, majestueux et mystérieux, je m'apprêtais donc à vérifier cette hypothèse, ce qui donna à peu prés ceci.

​

Je pointais d'abord le vénérable édifice, dont la silhouette escarpée évoquait les techniques secrètes des lamas tibétains et autres confréries ésotériques, qui permettent d'accéder à de remarquables exploits, tels que le vol aérien (sans avion - très commode en Inde) ou le franchissement des murs :

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

 

Puis, je retournais mon regard vers moi, ou disons, vers cet espace (infini ?) qui se dévoile Ici, avec lequel je me trouve être on ne peux plus identique :

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

 

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

Une chose formidable est que cet espace, à présent que je le contemple de nouveau, est absolument le même. Limpide, diaphane, lumineux, mais aussi simple et... simple. Et je crois que vous aussi, lecteur, si vous vous prêtez à ce jeu innocent, vous découvrirez la même absence de chose, Ici, mais pour accueillir, il est vrai, un spectacle unique (probablement pas un monastère).

Et la tradition, me direz-vous ? N'est-il pas présomptueux de rejeter ainsi les chambres de cette auguste bâtisse pluriséculaire, emplies de centaines de livres de sagesses ?

​

Et bien, figurez-vous que mon ami, moi et nos nombreux amis d'aujourd'hui, nous ne sommes pas de purs et simples innovateurs. Il se trouve que, dans la tradition tibétaine elle-même, d'autres ont fait la découverte de la Chambre Inépuisable. Voici l'exemple d'un lama du début du XXème siècle, Mipham. Il avait entreprit une retraite stricte pour contempler le bouddha de l'intelligence (bien qu'il fut déjà très intelligent). Il était alors surtout préoccupé de visualiser clairement le visage du dieu, afin que celui-ci finisse par lui apparaître pour de bon. Quant il fit part de ce souci à son maître, ce dernier lui fit cette confidence :

​

"Cette voie est très ardue ! Comme dit l'Omniscient Longchenpa, 'Sans rien faire, demeure dans ta propre face'. C'est ce que j'ai fait moi-même et, bien que je n'ai rien vu qui ait une chair blanche ou un teint éclatant que l'on puisse appeler 'visage de l'esprit', je n'ai plus le moindre soucis au sujet de la mort".

 

Sur ce, il éclata de rire. Ce maître était, dit-on, le plus grand de son temps, il avait étudié et expérimenté toutes les méthodes spirituelles tibétaines.

​

Mais la plus grande autorité en la matière reste l'expérience que l'on fait soi-même. Pour cela, nul besoin de quitter sa chambre.

​

​

David_dubois_6.jpg
david_dubois_5.jpg
bottom of page