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Cartographie de la première personne par Douglas Harding

Le moins je connais le pays que j'explore, le plus j'ai besoin d'une carte de celui-ci. Pas étonnant en conséquence qu'une carte à main levée me soit indispensable pour trouver mon chemin dans ce pays, le plus mystérieux et le plus méconnu que j'appelle "Moi-même". Je veux dire "Moi-même" en tant que "Première Personne", à distinguer de toutes les secondes et troisièmes personnes, la "Première Personne" qui ne pourrait être plus singulière. Singulièrement surprenante en même temps que singulièrement unique.

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Durant quarante années, du début des années quarante au début des années quatre-vingts, voici à quoi ressemblait ma carte.

 

 

 

 

 

 

 

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Quoique pas à l'échelle et très simplifiée, cette carte montre la capitale (pour ainsi dire) au milieu de ses provinces en anneaux. C'est à dire qu'elle distingue nettement ce que je suis pour moi, ici, au centre, par rapport à ce qu'un observateur éloigné me perçoit en s'approchant de moi. Me distingue, MOI, l'unique réalité centrale, de mes innombrables apparences régionales. Apparences ou manifestations étonnamment variées et néanmoins ordonnées et nettement situées. Le Tout, une unité strictement indivisible, chacune de ses parties étant ce qu'elle est en fonction de toutes les autres parties. C'est cet ensemble uniquement et cet ensemble dans sa totalité, qui nous représente (nous définit ?). Essayer de le fragmenter, c'est tenter de se suicider.

Tout au long de ces quarante années, cette carte s'est révélée un guide inestimable et une inspiration qui a conduit à toutes sortes de découvertes, certaines d'entre elles bien applicables à la vie de tous les jours. J'y trouvais, par dessus tout un rappel pratique et éloquent de ma véritable et époustouflante identité, me disant combien je suis loin d'être ce petit humain que je vois dans mon miroir et (qui est reçu) dont l'image est reçue par les autres, ce provincial excentrique et bucolique.
Il n'est pas exagéré de dire que ce simple croquis - établissant ce que chaque écolier devrait savoir - a fait plus que tous les livres de spiritualité et de psychologie pour attirer l'attention de cette personne-ci sur sa condition de "Première Personne". Qu'il soit utilisé comme un réveille-matin pour se sortir du cauchemar chronique de notre fausse identité en tant que simple humain, quelle que soit la signification de cette invraisemblable (impensable, impossible) abstraction ?

Cependant, elle souffre de graves défauts.


Notamment elle représente la capitale, le MOI, comme un simple pâté ou un point, en dépit du fait que lorsqu'on le visite, il se révèle être plus vaste que le vaste monde. Ainsi présenté, ce n'est pas la capitale mais les provinces qui s'ouvrent et capturent notre attention. C'est comme si notre carte était créée dans le but délibéré de décourager les excursions à la métropole et de suggérer qu'une visite ne mériterait pas le prix d'un billet à tarif réduit.


Je me souviens d'une célèbre chanson des années soixante dans laquelle la chanteuse, quoique étant allée à New-York, à Paris, à Londres et beaucoup d'autres capitales célèbres, se plaignait d'un grave oubli. "Je ne suis jamais allée à MOI" disait le refrain de sa chanson. Si elle avait suivi notre carte, elle aurait pu ajouter : "Et je n'ai sans doute pas raté grand chose". La triste vérité est que la plupart d'entre nous partage cette opinion défavorable.


Il y a un besoin urgent de carte révisée qui rende égale justice au MOI qui couvre tout et à la centralité du MOI.

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Il y a un autre aspect de la CARTE 1 qui est on ne peut plus trompeur.


Il représente ma Réalité centrale comme la propriété privée et la prisonnière de ses apparences régionales. C'est un MOI dans une camisole de force, un MOI qui m'appartient rien qu'à moi, que j'étreins dans ma poigne de fer. Si c'est étonnant, adorable, digne d 'amour, absolument unique et ainsi de suite, ces qualités sublimes n'appartiennent pas à lui-même en tant que Sujet-Objet (qui est) toujours en train de se sauver, mais plutôt à moi-même en tant que Sujet-Sujet, toujours prisonnier, en tant qu'égocentrique à 100 % qui ne sait pas ce que veut dire l'altérité. (?). Ici, pour ce que ça vaut, nous avons une déité qui est totalement immanente et dépouillée de toute trace de transcendance, tout ATMAN et pas de BRAMMAN, non merci ! Une déité que vous pouvez gober nonchalamment pour le petit déjeuner, le déjeuner et le souper, sans laisser une miette pour les oiseaux du ciel. Un repas qui aurait tendance à vous laisser un mauvais goût dans la bouche et plus affamé qu'avant.
Si vous imaginez que ce genre de spiritualité n'existe pas, ou que s'il existe, il n'est pas fait pour être pris au sérieux, que pensez-vous de ces extraits typiques de l'Ashtavakra Gita, une écriture hindoue très estimée par certains ?


"Merveilleux que je suis ! Je me salue !
De moi naît le monde, en moi il existe, en moi il se dissout.
Toute louange à MOI !"


Un cas type "d'Atmaolique" (adonné à l'atman). Mais attendez un peu. Les deux déclarations qui suivent, de deux des plus grands sages du siècle, ne sont-elles pas des exemples du même immanentisme débridé ?


"Quand il n'y a rien sauf vous-même, vous êtes heureux. C'est ça toute la vérité"
Ramana Maharshi.


"Quand vous trouvez tout en vous-même et qu'il n'y a rien d'autre que votre propre soi (vous-même), c'est ça la pleine réalisation, complète, parfaite."
Anandamayi Ma.


En fait, ils ont tout juste. Le seul fait qu'ils t'interpellent toi, qu'ils t'invitent toi à participer à cette réalisation parfaite, suffit pour fracasser la carapace du "JE" et éliminer (interdire) la notion d'une Première Personne du Singulier totalement "égocentrique". D'autres centres sont reconnus, adoptés (acceptés).


Par ailleurs, ces déclarations ne devraient pas être lues hors contexte. Ces deux sages, comme tous ceux qui méritent ce titre, insistent que l'ATMAN ou Sujet Ultime est également BRAHMAN qui est l'Objet Ultime qui mérite l'adoration totale à son propre titre. Nous voici dans le domaine du paradoxe, où les extrêmes se retrouvent et s'unissent. Ainsi Eckhart, fin comme le tranchant d'un rasoir et sans compromis comme d'habitude dit :


"Plus Dieu est dans toute chose, plus IL est à l'extérieur de toute chose. Plus IL est à l'intérieur, plus IL est dehors".


Il ne s'agit donc pas d'un Dieu qui reste ou d'un Dieu qui s'échappe. Il ne s'agit pas de Dieu immanent ou Dieu transcendant - lequel choisir ? - mais des deux à la fois. Des deux faces d'une pièce qui est sans valeur et une absurdité si on ne considère pas ses deux faces.

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Dans toutes les grandes traditions religieuses, il se cache une tendance et une tentation d'affirmer une face et de nier l'autre, ce qui conduit à des résultats fâcheux. Une Déité dont la seule demeure est là-haut dans le ciel, a terriblement tendance à dégénérer en chef de guerre cruel et étroit d'esprit, et une Déité dont la seule demeure est ici bas dans mon coeur, a terriblement tendance à dégénérer en Narcisse qui s'adore. Les enthousiastes médiévaux les moins équilibrés, Soufi comme Chrétien, ont suivi la deuxième voie. Certains adeptes de l'hindouisme aussi, comme nous l'avons suggérer. Quant au Bouddhisme, certains ont pris au sérieux, et même essayé d'appliquer à leur personne, l'histoire un peu grosse mais charmante qui raconte que le Bouddha, une fois sortie du sein de sa mère, s'est immédiatement mis debout tout droit pour appeler le ciel et la terre à témoigner que lui seul était : "Celui que le monde honore ! " Et c'est sûr qu'aucun d'entre nous n'est affranchi du désir de saisir notre Etre et Réalité et de coller partout dessus notre étiquette personnelle. Certains attribueraient cette compulsion en Satan en nous, qui "irait en enfer" pour sa propre déification de plein droit et sur ses propres termes, tant pis si être l'Un est disparaître en faveur de l'Un. En vérité, seul Rien a de la place pour Tout. Seul un rien qui est conscient qu'il est rien, est conscient d'être Toute Chose. Tant qu'il restera une partie de moi qui n'aura pas capitulé (lâcher prise) je ne serais jamais Moi-même.

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Cette capitulation essentielle du soi qui soi-même devant le Soi qui est un autre est maintenant. Redisons maintenant. Selon Jean Pierre de Caussade autorité sur le lâcher prise, il est la clef dorée de la boite aux trésors du moment présent :


Vous devez faire confiance au but de Dieu, caché dans le nuage de tout ce qui vous arrive au moment présent. Vous constaterez qu'il surpasse toujours tous vos désirs. Le moment présent contient d'infinies richesses au delà de vos rêves les plus fous.

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Ce qui fait que maintenant est si précieux, c'est que c'est le moment où l'on disparaît devant l'Autre. Ceci ne doit pas être accepté aveuglement, mais doit être testé à chaque instant avec un esprit ouvert. C'est là que la CARTE 1 est de peu de secours, qu'elle égare, lorsque l'on arrive au moment crucial de la réalisation du Soi par l'intermédiaire du lâcher prise (de la capitulation.) Ceci pour trois raisons :


Premièrement, parce qu'elle indique d'un point un Dieu qui a capitulé devant moi plutôt que l'inverse, un noumène encapsulé dans couches sur couches de phénomènes, une Réalité tenue en otage par ses propres apparences, l'Eternité prisonnière du temps.


Deuxièmement, si "capituler" (lâcher prise) signifie "s'appuyer sur" "faire confiance à" "chercher réconfort dans" "se dilater et se détendre dans" "avoir pour support (aide) et seule ressource" (et cela signifie tout cela), alors je défie quiconque de s'appuyer sur un Point, et cela va sans dire d'exploser en un Point ! Mais un Point est tout ce qui m'est offert. C'est la vieille histoire : vous pouvez tout faire avec une baïonnette, sauf vous asseoir dessus.


La troisième raison pour laquelle notre carte ne convient pas est que cela n'est pas une carte de la Première Personne du Singulier, Temps Présent. Bien au contraire, elle est surtout chargée d'années. Et, comme nous l'avons noté, l'abandon (la capitulation), le lâcher prise devant l'Un, que nous sommes vraiment est maintenant ou jamais.

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Permettez-moi de commenter cette troisième raison pour laquelle nous avons besoin d'une nouvelle carte. La vieille carte présente un monde à 360°, un monde qu'il faut du temps à appréhender. Car, à tout moment l'espace visible devant moi se restreint à un secteur d'environ 160°, et bien sûr, lorsque je me retourne pour en appréhender le reste, je perds la vision de ce premier secteur. En d'autres termes, cette carte à 360° est une compilation, un artifice utile qui va toutefois au delà des faits tels qu'ils nous sont donnés maintenant. Une partie antidate une autre partie tout comme si l'Europe de l'Est présentée était celle de 1914 alors que l'Europe de l'Ouest était celle de 1918. La suivre, c'est refuser de s'abandonner à l'évidence du moment présent. En particulier, c'est refuser de lâcher prise devant le fait qu'à aucun moment cette Ressource infinie, derrière moi, ne me fait défaut. Curieusement, une des circonstances auxquelles je suis appelé à m'abandonner est le fait que je ne suis ni un crabe, ni une de ces grenouilles dont les yeux sont fixés sur des pédoncules et qui vraisemblablement jouissent (ou souffrent) d'une vision à 360°. La carte n°1 leur conviendrait tout à fait. Mais pas à moi, heureusement.


A l'inverse des créatures "inférieures", les humains ont trop tendance à renier leur soutien divin, et en conséquence, sont perdus sans l'évidence irréfutable de ceci, qui heureusement leur est accordée ainsi qu'il est montré sur cette carte révisée :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pour manger la pulpe d'un pamplemousse, coupez-le en deux. C'est pareil pour notre carte. Voyez comme cette version révisée corrige complètement les défauts de la précédente. Quoique toujours confortablement blotti dans mon centre, le MOI se dilate vers l'infinité, se révélant ainsi être également le NON-MOI, transcendant - immanent, qui peut à la fois être saisi et être insaisissable. On peut dire que c'est avoir à la fois "le beurre, et l'argent du beurre", ou tirer le meilleur des deux mondes.


Pour mieux dire, c'est comme si mon minuscule esquif, à la dérive et à la merci de tous les courants du temps, hissait et déployait tout à coup une immense voile blanche, ondoyant pour l'éternité dans le vent de Dieu. Empli de cette force, comment ne pas ranger les avirons et se soumettre à cette tempête ?

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Elle m'est venue sur le tard, cette nouvelle carte. Pas avant mes 75 ans, et bien après que j'ai compris l'infini Trésor du moment présent, ai-je pris mon souffle (respiré un grand coup) et coupé ma précieuse carte en deux.


Depuis lors, elle a servi de rappel remarquablement améliorée et de guide vers les merveilles de l'ETAT de PREMIERE PERSONNE, par contraste avec les nombreux handicaps dont souffre la réflexion (l'image reflétée ? ) de la deuxième /troisième personne. Elle a continué à révéler des distinctions obscures et insoupçonnées jusque maintenant entre ces deux aspects (faces) de moi, et comment faire face aux vicissitudes causées par leur présence ensembles. Ici n'est pas le lieu d'entrer dans les détails. J'ai réfléchi sur certains points ailleurs, voir par exemple mon "Procès de l'homme qui disait qu'il était Dieu" p219.


Le fait est que, naturellement, la CARTE n° 2 est provisoire et loin d'être complète. Ainsi que même les meilleurs exemples de cartes, elle a besoin de révision périodique et de mise à jour. Pour cette raison, et si ce n'est pour d'autres, elle n'est pas en danger de dégénérer en sainte icône qui décourage l'aventure au lieu de la stimuler.


Oui, c'est vrai. Il y a seulement deux mois, un problème est apparu qui m'a obligé à modifier la carte de façon draconienne. Ici encore, je suis frappé par le retard. J'aurais du avoir la solution du problème il y a des années. La carte n° 2 me mettait le nez dedans pendant tout ce temps-là.
Ce qui m'a suggéré cette révision c'est le fait d'une évidence éclatante que tandis que notre monde visible se restreint à un secteur de 160°, notre monde auditif n'est pas du tout aussi limité. Si je ferme les yeux et que vous vous déplacez silencieusement autour de moi en faisant tinter une cloche à intervalles, je peux indiquer avec assez de précision l'endroit d'où vient le son. La cloche peut se trouver devant moi ou derrière, à l'extrême gauche ou à l'extrême droite, ma possibilité de la situer n'est pas modifiée.


C'est à peu près la même chose, bien sur, avec le sens du toucher. Je peux appréhender et sentir le mur dans mon dos de la même manière et avec la même certitude que toute chose devant moi.
En bref, l'ouïe et le toucher, au contraire de la vue, sont des sens multi-directions, à 360°. Mais bien sûr leur portée, en contraste frappant avec la portée de la vue, est peu étendue. Le tonnerre et les gargouillis de l'estomac déterminent, plus ou moins, les limites de mon monde auditif. Je peux voir les étoiles et les cellules, mais je ne peux pas les entendre. Et pour ce qui concerne mon monde tangible (palpable), son étendue (sa portée) est encore plus étroite. Ce bras chétif est son rayon.


Donc j'ai un problème. Je vais l'exprimer en termes ZEN.
Je découvre là, au lieu de mon visage humain, mon visage Originel. Contrastant avec le énième degré de ce visage acquis là dans mon miroir, je l'ai toujours trouvé sans âge, immuable, intemporel, immaculé. Pas une ride qui ait jamais barré ce teint parfait. J'aurais parié (joué) ma vie sur l'idée que le trait essentiel de ce VISAGE ORIGINEL qui est le mien n'avait pas de trait (caractéristiques).


Et tout cela par terre ! Je découvre que mon Visage Originel Lumineux et Adorable (les adjectifs font partie de la tradition bouddhiste) a une imperfection, une tache portant la marque des années et soumise à tous les hasards, limitations et imperfections auxquelles le reste n'est pas soumis (desquels le reste est exempt). Pour formuler cela grossièrement, je découvre que ce merveilleux et beau Visage a toujours été sali par quelque chose ressemblant à une moustache ! Une moustache dépoilée à la Zapata, en plus de ça !


Ca c'est un vrai défi !

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Le défi, bien sur, concerne la CARTE n° 2 et non la CARTE n° 1 qui, en dépit de ses graves défauts, comprend les sons et les touchers, ainsi que les vues et les odorats et les goûts dans son étreinte non sélective de 360°. Ce qui ne veut pas dire bien sûr que dans d'autres domaines, la CARTE n° 2 n'est pas, de loin, la plus précieuse. Ce qui ne veut pas dire non plus que lorsqu'un doute sérieux ou une difficulté sont apparus concernant une carte, il ne se soit pas révélé que cela n'était rien de la sorte, mais au contraire un enrichissement ou une subtilité, sous des dehors bien déguisés (cachés). Etant donné cela, quelle est la leçon que ce dernier problème va faire sortir du chapeau ?


Serait-ce que l'ouïe et le toucher ont une contribution particulière à faire à la vie de l'esprit ? Si c'est le cas, quelles portes ouvrent-ils sur la réalité, qui sont fermées à la vue ? Quelles informations vitales sur notre vrai nature, quelles bonnes nouvelles auxquelles la vue est aveugle, sont impliquées dans l'intrusion de ces deux sens à large spectre (champ), apportant dans leur cortège, une abondance de temps et de changement dans le royaume intemporel et immuable situé au coeur de moi-même ? Intrusion pratiquée sur un front étroit, mais intrusion néanmoins.
Commençons par l'ouïe.


Toute ma vie (et je pense que c'est pareil pour vous) j'ai trouvé que certaines musiques (pas toutes bien sûr) et certaines poésies (le tintement des mots quand il se trouve le vrai poète pour les faire sonner) me parlaient (disait quelque chose) de la REALITE, de l'UNIVERS, du MOI. Quelque chose qu'il ne faut pas manquer, quelque chose d'essentiel qui peut être dit dans nulle autre langue et par nul autre moyen. De sorte que je me découvre en train de me dire : Un Univers qui se manifeste avec les rythmes puissants de la musique (du film ?) MISSION, avec des terminaisons en plain-chant, avec certaines des arias de Mozart, est cette sorte d'UNIVERS là. Un Univers qui chante comme ça, c'est un Univers qui est comme ça. Tout comme la rose de juin me dit à quoi ressemblait réellement le rosier en janvier : racines terreuses, tige couverte d'épines, feuilles sans éclat etc..., ainsi une chanson grecque comme "MISIRLOU" me dit, de quelle réalité, malgré toutes ses horreurs, elle est née. Oui, le mysticisme sans la musique est sourd. Ce n'est pas pour rien que les anges sont peints réunis en orchestre et non en congrégation en prière. La vrai vision béatifique est présentée en musique et ceux qui ont le coeur pur entendront Dieu.


C'est à peu près pareil avec la poésie. Je ne peux pas décrire ce qui manque chez tel poète, jusqu'à ce que je le découvre dans le poème de Robert FROST : "Arrêt près des bois lors d'une soirée de neige", par exemple. Mais je sais bien que sans ce je ne sais quoi, l'Univers n'est pas lui-même, n'est pas tout entier là. Je vois cela comme un élément essentiel dans l'Ananda ou la Béatitude qui est elle-même un élément essentiel du SAT-CHIT-ANANDA, qui est la façon dont les Védantistes (adeptes du Védanta?) décrivent la REALITE.


Il suffit pour l’ouïe. Passons à l'autre sens à 360° qui est le toucher. Je peux tâter le dossier de la chaise sur laquelle je suis assis aussi facilement que le devant de la table à laquelle je suis assis, et le toucher de l'un est aussi réel et convaincant que le toucher de l'autre.
De la même façon, mais l'exercice est plus important, je peux toucher tout le contour de ma tête : le front, l'arrière et les côtés, le rugueux et le lisse, tout cela de la même façon en évidence. C'est évident que l'invisibilité n'est pas du tout la même chose que la non-existence, et que cette tête transparente, mais palpable pour moi, est aussi solide et réelle que cette vitre de ma fenêtre, elle aussi transparente, mais palpable.


Oui, la Première Personne du Singulier arbore en vérité une tête, une sorte de tête. La question est la suivante : Quelle sorte de tête, et de quelle façon diffère-t-elle de toutes les autres ?
Selon les preuves du moment, qu'elle est la topographie de cette caboche-ci ? (La traduction de Topknot est : "chignon, toupet"). Et celle de la votre aussi, alors que vous me rejoignez dans l'investigation suivante à cinq étapes. Ne me croyez pas sur parole, faites vous même l'expérience.


1- Attrapant mes oreilles, qu'est-ce que je découvre caché entre les deux si ce n'est un espace sans limites et entièrement vide ? Espace qui se remplit immédiatement par tout ce qui se présente comme spectacle, ceci va d'un ciel plein d'étoiles à un timbre-poste. Quoique vaste mon monde, cet espace qui m'appartient et qui l'accueille, - qui devient ce monde - est plus vaste encore. Et c'est un monde que j'abolis sur l'instant et recrée selon mon désir, tandis que les seconde et troisième personnes se contentent d'abaisser et de relever ces minuscules volets de chair appelés paupières, et c'est tout ce qu'il y a à comprendre. Ainsi, je me sens entièrement justifié, selon la plus évidente preuve présente, d'appeler cette surprenante caboche ma Tête Cosmique ou Divine, ou même, ma Tête-Dieu ("God-head" contient un jeu de mots : = aussi : Divinité, Dieu.")


2- Ensuite, palpant ces traits en détail, ce que je découvre là, n'est certainement pas la tête d'un oiseau, d'un reptile ou d'un poisson, ou d'une espèce de grand ou petit singe. Sans aucun doute, c'est une tête humaine.


3- Continuant mon exploration en plus grand détail, je découvre une tête avec toutes sortes de protubérances, de creux et de rugosités dont l'ensemble l'identifie comme étant la tête de Douglas Harding, donc la mienne, uniquement. Je l'appelle ma Tête PERSONNELLE.


4- Laissant tomber sur mes genoux ces mains qui s'activaient à construire une tête, je perds toute évidence (preuve) de cet objet ou de toute autre chose, instantanément. A la place, se trouve cette NON-CHOSE conscient, qui embrasse toute chose, cet état évident, PAS DE TETE, qui disparaît pour laisser place à toutes les autres têtes. C'est comme cela que je suis fait, mais ce n'est pas encore comme cela que je me sens et que j'agis.


5- Il me reste à soulever mes mains de mes genoux, à les étendre grandes ouvertes et à constater (à mon grand étonnement) qu'elles étreignent le monde devant lequel je disparais et continue à vivre en conséquence. Ce n'est pas une tâche facile ! Cela veut dire rien moins que de faire consciemment ce que je fais de toute façon, qui est de mourir pour mon ami, pour mon ennemi, pour vous.


Cette dernière étape de la Descente divine, comme l'indique notre carte n° 3 est la crucifixion :

 

 

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C'est pour indiquer l'immense importance de ces cinq étapes et pour marquer le fait qu'elles sont et se vivent comme une descente que la CARTE n° 3 inverse la CARTE n° 2.


Je ne dis pas, notez le bien, que cette troisième carte rend enfin justice au terrain de la PREMIERE PERSONNE loin de là. Je suis presque certain que de meilleures cartes suivront, elles seront le travail d'autres cartographes. Et je suis tout à fait certain que les meilleures d'entre-elles seront utilisables seulement dans la mesure où l'utilisateur adopte et devient non seulement la carte mais aussi le TERRAIN, et commence ainsi à réaliser la pleine splendeur de sa condition de PREMIERE PERSONNE. Car ce n'est pas en ayant de merveilleuses pensées et de merveilleux sentiments au sujet de sa véritable identité que l'on s'identifie avec elle, mais en voyant, en entendant et en touchant, je répète : "en touchant" - cette éminemment visible et audible et palpable Merveille des Merveilles. -


Ce que je veux dire, c'est que cet exercice de longue haleine de cartographie - cette série de cartes - a été mon maître au fil des années. Un drôle de gourou, et pas au goût de tout le monde, peut-être, mais toujours patient, minutieux et efficace sur le long terme.


Mon seul reproche est que ce disciple a été bien long à apprendre.

Ci-dessous, en forme de résumé et de rappel les principales leçons du gourou :

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CARTE 1 Elle indique comment ce qu'on voit de moi dépend de la distance de mon observateur. Elle indique aussi le mystère et le caractère unique de CE qui, au CENTRE, donne naissance à toutes ces apparences, et que je suis seul en position de voir. Le défaut de la CARTE 1 est qu'elle dénature la REALITE CENTRALE en la montrant seulement centrale, immanente, mais non transcendante. L'ILLIMITE y figure comme un simple point.

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CARTE 2 Elle indique, comment, en fait, la REALITE se transforme en explosant vers l'infini sans même quitter le CENTRE, et est, à la fois, immanente et transcendante. S'appuyant seulement sur la vision, toutefois, la carte n°2 ne prend pas en compte les autres sens.

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CARTE 3 Elle indique le rôle privilégié du toucher dans notre jouissance du Divin et ses cinq étapes dans la descente de la plus haute cime à la plus basse des profondeurs. Elle attire l'attention sur ce processus de l'Incarnation et de l'abandon de Soi qui est la dynamique même et le ressort principal (moteur essentiel) de la PREMIERE PERSONNE DU SINGULIER.

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