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La non-distance et Vision sans tête

par Philippe Fabri

Où c’est-ti que je suis ?
Où c’est-ti qui sont les autres ?
C’est-ti au même endroit ?
Ou c’est-ti au même envers ?

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L’observation de « ce qui est » est la base commune à toute démarche scientifique et spirituelle ; et voir « ce qui est » n’est pas aussi facile que cela pourrait sembler. En effet on a une fâcheuse tendance à mettre dans le même panier ce que j’observe et ce que les autres observent. Or ce n’est pas toujours identique. Il faut parfois avoir l’audace d’être sa propre autorité lorsque « mon » observation est différente de celle des autres.

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La mesure des distances fait partie de ces notions où dans notre esprit la confusion est permanente entre ce que j’observe et ce que les autres observent. Dans le monde tel que je le perçois toutes les choses sont distantes les unes des autres. Je peux facilement mesurer la distance entre les caractères imprimés sur cette page, la distance entre cette revue et le plafond, ou avec des instruments plus sophistiqués, la distance entre la terre et le soleil, ou entre les différentes galaxies…


Ces mesures entre les choses sont des expériences renouvelables et vérifiables par chacun - ceci moyennant la réserve que tout est en perpétuel mouvement et donc que deux mesures réalisées à des moments différents ne sont jamais parfaitement identiques.

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Quand les objets sont en contact les uns avec les autres, on dit que la distance entre eux est nulle. Il s’agit d’une approximation car au niveau atomique la distance zéro n’existe pas ; les noyaux des atomes qui constituent la matière ne sont jamais en réel contact, ils ont en interaction et il existe toujours une distance entre eux. Cette distance est minime, d’accord, mais la distance entre deux choses n’est jamais nulle. C’est le monde de la dualité.

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Comment puis-je maintenant mesurer la distance entre moi et les choses ? Aucun problème pour mesurer la distance entre ma main et ce livre, ou entre mon pied et le pied de la chaise où je suis assis. Ces mesures sont toujours reproductibles par quelqu’un d’extérieur.

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Mais comment puis-je mesurer la distance entre ce lieu très particulier qui perçoit en moi et les choses ? Si vous le souhaitez, faites l’expérience avec moi. Je prends une règle et mesure la hauteur de mon écran d'ordinateur. Il fait disons 30 cm de haut. Cette mesure est probablement différente pour vous (nous n'avons pas les mêmes écrans).

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Et maintenant j’essaie de mesurer la distance entre « ce lieu » où je perçois les choses et mon écran. Il m’est impossible de voir la mesure indiquée sur la règle dont je ne peux maintenant plus apercevoir que la tranche. Bien sûr il suffit que je me tourne un peu et je peux lire la mesure entre la revue et l’endroit d’où je percevais, mais je suis toujours incapable de mesurer la distance depuis « ce qui perçoit maintenant » et que j’appellerai Moi par facilité de langage. Je peux demander à d’autres de mesurer, mais je suis incapable de reproduire personnellement leur mesure. C’est vrai pour eux, ce n’est pas vrai pour moi.

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Quoi que je fasse, je vois toujours cette non-distance entre Moi et les choses. Ce n’est pas comme quand les choses sont en contact les unes avec les autres et qu’il existe une distance non perceptible sans instruments de mesure perfectionnés. Cette impossibilité de voir une distance entre Moi et les choses peut-elle être assimilée à une distance zéro ? Je ne le crois pas, je suis incapable de voir une distance, mais je sais que cette distance peut être mesurée indirectement. De mon point de vue il s’agit d’une non-distance.

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Pendant longtemps cette expérience m’a paru sans intérêt car la mesure faite par quelqu’un d’extérieur me semblait juste (et elle l’est) et inutile à remettre en question. C’était couper les cheveux en quatre. Je suis sûr maintenant que cette expérience est très importante…, pour moi. Pour expérimenter la vérité (scientifique ou spirituelle) il faut oser tout remettre en question, surtout ce qui semble le plus évident. Sans nier l’expérience des autres, je dois accorder un crédit complet à ma propre expérience.

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Maintenant chaque fois que je vois cette non-distance, qui soit dit en passant existe à tout moment entre Moi et chaque chose qui peut être vue, je suis réellement bouleversé. Mais j’ai beau tester, revérifier, la non-distance est un état permanent. C’est très étrange car ce corps que je vois et qui me permet de me manifester est lui toujours distant de tout et est constitué de « pièces », toutes distantes les unes des autres – distance mesurable par moi et reproductible par un observateur extérieur. Alors que Moi, je ne suis à non distance de tout ! Entre Moi et ce corps, je ne peux pas non plus voir de distance. Il m’est donc impossible de dire que je suis ce corps – comment pourrais-je être ce que je perçois ? Ce corps appelé Philippe est en Moi, tout comme le reste du monde manifesté, ni plus, ni moins - là le vertige me reprend.
Et pourtant c’est vrai, c’est mon observation, toujours renouvelable…
Qu’en est-il pour vous ?

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La non distance…, c’est donc cela l’Unité ! Cela veut donc dire que je suis en communion avec tout, que cette communion et cette Unité dont j’ai tant entendu parler n’est pas un leurre.

Pour Me voir à distance des choses je dois réaliser un exploit impossible : je dois bondir hors de moi et vite regarder avant d’être parti afin de me voir à distance des autres. J’ai déjà essayé, j’arrive toujours trop tard, seul Lucky Luke peut réaliser cela.

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Je dois donc bien m’y faire, MA REALITÉ n’est pas d’être séparé, mais c’est d’être en communion permanente avec tout. Les conséquences de Voir cela dépassent trop Philippe pour en parler. Je ne peux que faire l’expérience et lâcher prise… Cependant, comme après avoir goûté un grand vin, suit un moment de silence, puis on en goûte une deuxième gorgée, on savoure, ensuite certains aiment partager avec des mots ce qu’ils ont goûté, cela aide parfois à découvrir encore plus de saveur, de réellement valoriser ce grand cru. A la différence d’un grand vin dont le goût s’estompe progressivement et dont il faut boire à chaque fois une nouvelle gorgée pour en faire l’expérience, la communion en voyant la non-distance est permanente. Je voudrais juste vous dire que quand cette communion est réalisée, la Paix est avec Moi et je suis en paix avec le monde. Je pense que cela est une grande chose en ces périodes où tant de violences et de guerres déchirent le monde. Et en même temps je réalise que Je ne suis à aucune distance de cette violence…

Peut-être que si cette non-distance est vue en permanence, Philippe apportera sa pierre à la construction de la Paix dans le monde.

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Philippe Fabri

 

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Philippe Fabri

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