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« Tout au long du Nouveau Testament et des Evangiles, il est dit que celui qui veut vivre “la vie qui est la vraie vie” doit mourir à ce monde et à toutes ses idées… L’Eglise du Christ a osé inverser complètement les méthodes de son Maître. »
L’Archevêque Gore

 

Charles Gore (1853-1930), ecclésiastique éminent, était également un disciple de Jésus Christ très engagé et pourtant, ce qu’il dit est choquant. Dieu sait ce qu’un visiteur extraterrestre penserait de tout cela, comme il serait sans doute surpris par cette contradiction ancienne et presque universelle, cette pensée double que décrit l’évêque. Et le plus choquant, certainement, c’est que nous n’en soyons pas choqués, que nous considérions cela comme allant de soi, que nous l’acceptions sans sourciller. Mis à part quelques exceptions comme l’évêque Gore, le Sermon sur la Montagne coule comme de l’eau bénite sur les parapluies ecclésiastiques, et sur les nôtres.

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Il m’est difficile de trouver un épisode de l’histoire humaine plus étonnant que celui-ci. Voici le fondateur adoré de l’une des principales religions du monde, qui a indiqué avec précision et pour toujours la façon dont ses disciples devaient vivre s’ils voulaient être ses amis et non ses ennemis. Et voici ces disciples – des millions et des millions d’entre eux, y compris toutes sortes de saints et de brillants théologiens et de grands poètes – qui simultanément proclament les maximes de leur Maître et les rejettent comme tout à fait impraticables, disent une chose et aussitôt son contraire. Cette anomalie des anomalies dure depuis deux mille ans, presque sans la moindre trace de la honte morale qui tourmentait les premiers chrétiens.

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Essayons de découvrir si possible le sens de cette absurdité, de cette contradiction innée. Il est permis de penser que, si on les observe à un autre niveau et sous un autre angle, cette énorme assemblée d’hypocrites, traîtres à leur Maître, se révèleront n’être rien de tout cela, et nous trouverons le moyen de faire d’eux des hommes et des femmes honnêtes.


Mais d’abord, examinons d’un peu plus près la divergence entre les règles de vie du Maître et celles de ses disciples.
Si mon voisin s’approprie une parcelle de ma terre, vais-je lui en offrir une autre ? Ou vais-je appeler mon avocat ?
Si les réparations de mon toit me sont facturées le double du prix normal, vais-je payer l’addition le cœur léger ? Ou vais-je réclamer une réduction substantielle ?
Si, sur un parking, un mauvais conducteur emboutit mon radiateur en reculant, vais-je payer gaiement les réparations pour les deux voitures ? Ou vais-je le faire payer, lui ?
Si quelqu’un déclare publiquement que l’œuvre de ma vie est confuse, insignifiante, frauduleuse ou simplement stupide, vais-je le remercier de m’aider ainsi à me détacher de mon œuvre et de ses résultats ? Et s’il m’arrive de le rencontrer vais-je le serrer dans mes bras ? Ou vais-je saisir l’occasion de me défendre vigoureusement ?
Si, ayant déjà tué un grand nombre de mes compatriotes, un terroriste menace de continuer, quelle va être ma réaction ? Vais-je lui envoyer silencieusement des messages de compréhension, de réconciliation, de pardon, de compassion et d’amour ? Ou de haine farouche ? Vais-je approuver les mesures punitives de mon gouvernement, ou vais-je condamner celui-ci plutôt que lui ?
Et ainsi de suite, et ainsi de suite…

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Evidemment, les siècles sont jalonnés de nombreuses tentatives, à la fois théoriques et pratiques, pour combler ce fossé moral. L’expérience du communisme, résolu à abolir la propriété privée et les privilèges, a été tentée plusieurs fois avec des variantes, depuis les premières communautés chrétiennes en passant par toutes sortes d’utopies pour un Monde Nouveau, et jusqu’aux Léninisme, Stalinisme et Pol-Potisme. Elle a été tentée au mieux sans succès durable, et au pire avec des résultats tout à fait démoniaques. Essayez de construire un paradis sur terre, et vous risquez fort de construire un enfer.

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Le gouffre moral reste plus béant que jamais. Est-il impossible de le combler ? Sommes-nous condamnés à continuer ainsi ? Nos innombrables problèmes actuels seraient-ils peut-être dus principalement à notre incapacité de construire le moindre pont au travers de ce gouffre ? N’y a-t-il aucun remède pour cette blessure fatale ? Voyons cela de plus près.


Si l’on en juge par les résultats obtenus jusqu’à ce jour, continuer à essayer de construire un pont selon les vieilles recettes c’est courir à l’échec. Nous avons besoin d’un projet nouveau et non orthodoxe – un projet d’une non orthodoxie flagrante. Au terme de ces deux mille ans de tentatives improductives, le moment est venu d’essayer de construire entre le Christ et le monde chrétien un pont d’une sorte radicalement nouvelle.


Ce qui suit est une ébauche plutôt qu’un plan de ce pont tel que je le vois.

Pour commencer, reconnaissons que nous ne courons aucun risque de voir apparaître le royaume d’Utopie. La perfection divine que nous, humains, sommes invités à partager n’existe pas au niveau humain. Loin de là. Non, ce que nous recherchons ici, sur terre, ce n’est pas la perfection, mais l’amélioration radicale de l’humanité suscitée par ce que nous VOYONS que nous sommes.

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Je m’explique. Le style de vie d’un oiseau dans les airs est déterminé entièrement par son physique composé d’ailes et de plumes. Celui d’un poisson dans la mer est déterminé entièrement par son physique composé de nageoires et d’écailles. De la même façon, le style de vie d’un homme sur terre est déterminé entièrement par son physique très particulier. Nous allons vérifier l’hypothèse selon laquelle si nous avons de graves problèmes c’est parce que notre physique et notre style de vie ne sont pas accordés. Autrement dit, parce que nous sommes loin de réaliser toutes nos possibilités physiques. Oui, je dis bien physiques’, et je suis très sérieux. En fait, ce qu’il y a de nouveau dans notre approche initiale c’est qu’elle est physique, et non mentale ou spirituelle. C’est une approche de bas en haut, pour ainsi dire. Et quand je dis physique, j’entends le physique tel qu’il se présente à nous clairement, débarrassé autant que possible de toutes distorsions ou fabrications imaginaires et conceptuelles. Pour changer, nous allons voir ce qui se passe quand nous nous fions à ce que nous voyons que nous voyons, plutôt qu’à ce que nous pensons que nous voyons et à ce qu’on nous a dit de voir.

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C’est comme si notre corps essayait de nous dire ce qui cloche avec notre mental, en nous montrant comment y remédier.

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Ce qui veut dire que nous allons maintenant devoir faire une expérience ensemble.

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Durant cette expérience, je vais parler en mon nom, pas au vôtre. En espérant évidemment que ce que je découvre sur moi-même ressemble à ce que vous découvrez sur vous. Mais je ne veux pas vous influencer. Vous, et vous seul, pouvez décider ce que vous êtes pour vous-même. Je ne suis littéralement pas en position de vous le dire.

 

Il est possible que vous ayez déjà fait cette expérience, peut-être même plusieurs fois. Je ne vous présenterai aucune excuse pour cela. Bien au contraire. Toutes nos expériences ont un double but. Elles sont des moyens de découvrir des faits nouveaux, et des exercices pour pratiquer ces faits, pour les intégrer à notre vie quotidienne, et plus nous les referons consciencieusement, mieux cela vaudra. Celle qui va suivre, j’ai dû la faire des centaines de fois, et chaque fois c’est comme la première fois.

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Souvenez-vous, s’il vous plaît, que la question qu’elle traite est d’une importance capitale.

Je vous demande de dessiner votre propre corps (habillé, bien sûr), dessiner ce qui se présente à vous clairement, ni plus ni moins. Il s’agit simplement de tracer sur le papier le contour des formes opaques, denses et colorées qui constituent les parties actuellement visibles de votre corps humain.

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Pour le voir tout entier vous devez évidemment utiliser un miroir – un miroir en pied.

Dessinez s’il vous plaît aussi bien que possible ce que vous voyez là, dans le miroir. Et moi je dessine ce que je vois dans mon miroir .

 


Eh bien voici le résultat de mes efforts. J’imagine que nos deux dessins sont très semblables.

 

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Jusqu’ici, tout va bien. Mais maintenant il faut vous poser à vous-même, et je dois me poser à moi-même, la Première Grande Question – OU SUIS-JE ?

Etes-vous là-bas, de l’autre côté du miroir, ou êtes-vous ici de votre côté du miroir, plus proche de vous-même d’un mètre environ que lui ou elle là-bas? Lequel de ces deux corps démange, ressent la pression de votre derrière sur la chaise, et se sent fatigué ou fringant ?

Si vous convenez que la réponse évidente est que vous vous trouvez de votre côté du miroir, je dois alors vous poser à vous et à moi-même la Seconde Grande Question –

 

EST-CE QUE LE CORPS QUI EST DE CE COTE-CI DU MIROIR EST VISIBLEMENT IDENTIQUE A CELUI QUI EST LA-BAS, HORMIS LE FAIT QU’IL EST A L’ENVERS ?

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Pour être sûrs de donner une réponse exacte, il nous faut faire un second dessin (ou une seconde photo). Ajoutons maintenant, sous le portrait de la personne dans le miroir, notre portrait de celui ou celle qui est de ce côté-ci du miroir, dessinant (ou photographiant) uniquement ce que nous voyons de nous-même.

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Maintenant, compte tenu de nos différences de style de dessinateurs, si votre résultat est semblable au mien, je soumets alors à votre approbation les observations suivantes :


(1) Comme moi, vous avez (et vous avez besoin de) deux sortes très différentes de corps humain, et voici quelques unes de leurs différences :

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(2) Le corps qui est de votre côté du miroir est celui à l’intérieur duquel vous êtes, alors que celui de l’autre côté du miroir est celui que vous avez. Celui-ci, ici, est ce que vous êtes pour vous. Celui-là, là-bas, est celui que vous êtes pour les autres. Et ils ne sont pas du tout pareils. Néanmoins, ils sont profondément interdépendants de toutes sortes de façons.

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(3) Ce corps là-bas établit votre appartenance à la race humaine et votre identité humaine séparée, c’est pourquoi il figure sur votre passeport. Tandis que ce corps-ci laisse la question de votre véritable identité grande ouverte. En attendant les résultats de notre examen de cette véritable identité, vous pouvez dès maintenant annoncer au monde que vous n’êtes pas ce que vous paraissez être.

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(4) En fait, à côté de ce corps dans le miroir, vous voyez un certain nombre de spécimens de la race humaine tout à fait semblables mais moins brillants. Là-bas vous êtes visiblement un parmi des millions, un membre du club humain qui a payé sa cotisation et est soumis aux règles du club, à ses pénalités et ses récompenses.

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(5) Celui qui est de votre côté du miroir, avec lequel vous coïncidez et dans lequel vous êtes, ne fait partie d’aucun club de ce genre. Vous aurez beau chercher partout, jamais vous ne trouverez quelqu’un qui vous ressemble. Vous êtes unique dans tout l’univers. Tout comme moi et tous les autres à ce niveau. Ce genre de paradoxes sont exclus de l’autre côté du miroir, et inclus de ce côté-ci.

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(6) Voici quelques unes des nombreuses différences visibles qui existent entre ce corps humain-ci et celui-là (ou, si vous préférez, entre celui dans lequel vous êtes et celui que vous avez) :

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Ce corps-là, comme tous les autres, est visiblement surmonté d’une tête. Celui-ci qui est unique n’a visiblement pas de tête. Il se termine à une Frontière semi-circulaire qui va de votre épaule gauche à votre épaule droite. Pour vous en assurer, placez votre index sur votre poitrine et tracez d’une épaule à l’autre cette ligne au-delà de laquelle l’ongle de votre doigt disparaît.

Vous pourriez dire que le corps que vous avez de l’autre côté du miroir vit une vie imaginaire, irréelle ou factice, tandis que celui que vous êtes de ce côté-ci vit une vie très réelle et vibrante. Mais ce n’est de loin pas aussi simple que cela. De bas en haut jusqu’à la Frontière, c’est ainsi, mais au-delà de la Frontière, c’est très différent. Ici, vous disparaissez sans laisser de trace en faveur de la personne en face de vous. Ce côté-ci de votre miroir est le lieu où les contraires se rencontrent et deviennent un, où la vie et la mort apparaissent comme les deux faces d’une même pièce.


Il est un fait ahurissant, c’est qu’au-delà de la Frontière, que vous le vouliez ou non, vous mourez pour l’autre. Mais cela ne suffit pas. Si vous voulez découvrir la joie véritable, vous vivrez également pour l’autre, du côté vivant de la Frontière.

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Ici, je vous entends me dire : « Ca, c’est une sorte de mort très différente de celle que je connais. »

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Je suis d’accord : c’est la vraie mort. Il ne reste absolument rien de vous. Contrairement à celle que gère l’entrepreneur des pompes funèbres, celle qui laisse derrière elle un paquet de matières dont il faut disposer. Au-delà de la Frontière, vous cédez totalement la place à l’autre. Vous n’en avez aucun mérite, vous êtes construit ainsi. Ce que je nous propose, à vous et à moi, c’est de nous éveiller à la façon dont nous sommes vraiment de ce côté-ci de nos miroirs, et de vivre consciemment de cette façon.

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Il se pose maintenant une question pratique : jusqu’à quel point, exactement, notre passage conscient d’une vie avec un seul corps à une vie avec deux corps va-t-il nous aider, vous et moi, à passer à une vie à deux éthiques, dans laquelle ces deux éthiques opposées sont réconciliées aussi parfaitement que ces deux corps.

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Pour avoir une idée de comment cette réconciliation se passe, revenons au cas de votre voisin qui a envahi une partie de votre jardin. Que faites-vous ?

Vous lui écrivez une lettre polie mais ferme, mais ne recevez aucune réponse. Vous lui téléphonez pour lui demander une explication, mais en vain. Vous réussissez cependant à organiser une rencontre.

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Au cours de cette rencontre, vous voyez clairement ce qui rencontre quoi. En fait, vous voyez que ce n’est pas vraiment une rencontre, et qu’il n’a pas seulement envahi votre jardin, mais vous. Vous remarquez que vous ne pouvez pas voir son visage sans perdre le vôtre, qu’au-delà de la Frontière vous ne disposez de rien pour lui barrer l’accès, que vous mourrez vraiment la plus totale des morts pour lui.

 

Il est impossible de faire plus que cela pour lui. Ce qui rend certainement votre conflit territorial dérisoire, et vous voyez que cela ne vaut pas la peine de faire tant d’histoires.

Evidemment, on ne sait pas ce qu’il va faire. Peut-être à un certain niveau votre disparition totale en sa faveur va-t-elle le toucher, et il vous rendra le terrain volé. Mais même s’il ne le fait pas, même s’il garde le bout de jardin, le problème est réduit à ses justes proportions et vous le lui laissez.

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« De cette façon », allez-vous me dire, « toutes sortes de gens vont profiter de moi. »

Eh bien, je suis sûr que vous découvrirez que c’est une attitude infiniment plus heureuse, et bien plus pratique à long terme, que d’être l’exploiteur. Mais ne me croyez pas. Essayez et vous verrez. Voyez et essayez. Les perspectives sont bonnes, mais on ne peut pas être certain des résultats. Jésus Christ disait qu’il est venu pour nous montrer la vérité qui nous libère. Et le prix de la liberté, c’est l’imprévisibilité.

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« Tout ça c’est très joli », me dîtes-vous, « mais le terroriste ? Quel effet mes messages de pardon et de réconciliation sont-ils susceptibles d’avoir sur lui ? »

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Evidemment, nous ne le savons pas. Mais souvenons-nous que Jésus Christ décrit ses disciples comme le sel de la terre et la lumière du monde, en l’absence desquels le monde ira sûrement droit en enfer.

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Rien ne peut remplacer la pratique patiente de la vie et de la mort de ce côté-ci de notre miroir. Pratique et confiance, car y a-t-il quoique ce soit d’impossible pour l’UN qui non seulement accomplit le super miracle de se créer Soi-même, mais nous offre, à vous et à moi, l’union la plus intime avec le créateur. Acceptons cette offre et voyons ce qui arrive.

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A ce stade, vous pouvez me dire qu’il n’y a aucune raison de s’engager dans cette nouvelle Voie pour rentrer Chez Nous et retrouver notre Vraie Nature, car elle n’ajoute rien à ce que les sages et voyants disent depuis des siècles.

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Je ne pense pas qu’elle ajoute quelque chose d’essentiel, mais plutôt qu’elle rend l’essentiel accessible. Notre but est que ce qu’on appelait la Vision Béatifique (alias l’union consciente avec notre Source) qui était le privilège de quelques rares hommes et femmes doués, vivant une vie tout à fait anti-naturelle et séparée du monde, nous devienne accessible à nous, commun des mortels, vivant une vie très ordinaire dans le monde. Que cette Vision devienne la norme, le mode de vie standard, en dehors desquels nous serons considérés comme des cas d’évolution interrompue. Qu’elle ne soit plus perçue comme une réalisation exceptionnelle, mais comme ce qui est, notre Etat Naturel, le seul qui puisse être réellement partagé, et en parfait accord avec les découvertes de la science moderne. Ce n’est rien d’autre que la re-découverte de l’évidence, la vieille, très vieille histoire qui a grand besoin d’être redite sur un mode nouveau.

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Toutes les bonnes histoires impliquent une lutte. Jésus Christ a évité une unité prématurée et simpliste. Il est venu l’épée à la main, l’épée tranchante qui sépare les choses qui reviennent à César de celles qui reviennent à Dieu, le royaume de ce monde et le royaume des cieux. Il fut dualiste avant d’être moniste, guerrier avant d’être pacificateur.

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Et maintenant, inspiré par lui, nous brandissons une épée de la même armurerie – l’épée-miroir à la lame aiguisée, qui établit la distinction entre ce que nous paraissons être et ce que nous sommes, entre le corps avec lequel nous vivons et celui dans lequel nous vivons, entre cette pâle imitation de la vie et cette vraie vie et cette vraie mort. Ainsi nous apprenons finalement à vivre simultanément dans son monde et dans notre monde, sans hypocrisie et sans mauvaise foi, et à apprécier à quel point ce célèbre Sermon est réaliste et réalisable

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