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L'évidence spirituelle selon Ramana Maharshi

par Richard Boyer

« Le Soi ne bouge pas,
C'est le monde qui bouge en lui. »



De 1983 à 1994, lors de différents séjours en Inde, j'ai eu la chance de me rendre plusieurs fois à Tiruvannamalaï (au sud-ouest de Madras) et de goûter à la paix très tangible qui règne discrètement dans l'ashram (communauté spirituelle) de Râmana Maharshi.


Cet ashram repose au pied d'Arunachala, une petite montagne considérée en Inde du Sud comme le Mont Meru, l'axe ou le nombril du monde, le Shiva Lingam.


Râmana Maharshi a été attiré magnétiquement très jeune par cette montagne magique, et il y a séjourné presque toute sa vie (1879-1950). Très jeune, à la suite de deux expériences proches de la mort, il réalisa le Soi et devint l'un des grands sages indiens du XX siècle. Au début il habita dans quelques unes des grottes naturelles de la montagne. Puis, un ashram s'étant construit autour de sa présence silencieuse, il en devint le principal résident. Aujourd'hui encore des Jnanin-yogis (ceux qui pratiquent le « yoga de la connaissance ») habitent dans les grottes et reçoivent les visiteurs. L'ashram lui-même est resté actif.


Même si le Maharshi n'écrivait presque jamais, ses disciples ont recueilli ses paroles, éditées en français sous la forme d'un livre : L'enseignement de Râmana Maharshi aux éditions Spiritualité vivante chez Albin Michel.


J'ai toujours trouvé réconfort et inspiration dans ses réflexions pleines de bon sens. Son enseignement me semble proche de celui de Douglas, et je me propose dans cet article de partager avec vous ce qui me semble significativement convergent dans l'enseignement de Ramana, tout en occultant volontairement les propos trop directement indianistes.


Son approche est-elle du Jnana-yoga (yoga de la connaissance), selon l'advaïta védanta (philosophie de la non dualité, pour laquelle, hors Brahman tout n'est qu'illusion; Shamkaracharya fut au VIIIème siècle l'un des père et sans doute le maître incontesté de l'Advaita Vedanta).
Sa méthode est connue sous le nom de Atma-Vichara : recherche du Soi, ou investigation de Soi.
A la plupart des questions que posaient les visiteurs, Ramana suggerait de remonter à la source de « ce » qui posait la question, les amenant ainsi à explorer la question fondamentale : Qui suis-je ?
D'après lui, l'investigation de Soi, lorsqu'elle est portée à son point d'incandescence, génère spontanément la « perception intuitive directe » (pratyaksha).
Cette perception directe amène à voir directement le Voyant, à réaliser le Soi.
Ramana privilégiait souvent le silence disant lui-même:


« Le silence du gourou est l'instruction spirituelle la plus fracassante, la plus explosive… » 

Pourtant certaines de ses réponses valent réellement le détour.
 

"Question : Comment puis-je atteindre le Soi ?
Râmana : On n'atteint pas le Soi. S'il fallait l'atteindre, cela voudrait dire que le Soi n'est pas toujours présent, ici-même, et qu'il faut le récupérer. Or ce que l'on récupère sera de nouveau perdu, donc c'est imperrmanent. Et ce qui est impermanent ne mérite pas qu'on le cherche. C'est pourquoi je vous dis que l'on n'atteint pas le Soi. Vous l'êtes déjà (j'ai noté en caractères gras les réponses de Râmana qui me semblent particulièrement significatives) Mais le fait est que vous ignorez votre état réel de félicité. L'ignorance survient et tire un voile sur la pure félicité. Tout le travail consiste à dissiper cette ignorance. Celle-ci consiste en une fausse connaissance. Et la fausse connaissance consiste en une fausse identification du Soi avec votre corps, vos pensées, etc…
C'est cette fausse identification qui doit disparaître. Il ne restera plus alors que le Soi.

Question : Comment cela peut-il se produire?
Râmana : Par la recherche du Soi.

Vous dites que vous allez rentrer chez vous. Ou allez vous? Vous n'allez nulle part… Le fait est que vous n'êtes pas votre corps. Le Soi ne bouge pas. C'est le monde qui bouge en Lui.

La vérité, c'est l'éternelle réalisation. La perception directe est l'expérience de l'éternelle Présence. Dieu, lui-même, est connu par la perception directe… Seul le Voyant est réel et éternel.

Les gens voient le monde. La perception de celui-ci implique l'existence d'une dualité: le voyant et le vu. Le vu est étranger au voyant. Celui-ci est à l'intime de nous-mêmes car il est le Soi. Les gens ne cherchent même pas à découvrir le voyant dont l'existence est évidente…

L'homme doit voir directement le voyant pour réaliser le Soi. Cherchez plutôt qui est le voyant.

Vous connaissez l'histoire de la dame qui croyait avoir perdu son collier. Elle le portait à son cou et croyait l'avoir égaré. Quand elle le retrouve elle est heureuse, comme si elle l'avait réellement perdu, alors que ce n'était qu'une illusion. Il en est de même pour nous. Nous nous imaginons à tort que nous réaliserons le Soi, un jour ou l'autre, alors que nous n'avons jamais cessé d'être le Soi.

Comme votre perspective est extravertie, vous avez perdu de vue le Soi, et votre vision est tournée vers le monde extérieur. Le Soi ne se trouve pas dans les objets extérieurs. Renversez votre regard vers l'intérieur de vous. Plongez en vous et vous serez le Soi.

Le mental ne s'élève qu'une fois que la pensée  &laraquo; je &laraquo;  s'est élevée. Celle-ci est à la racine de toutes les pensées. Si vous arrivez à saisir cette pensée, toutes les autres pensées disparaîtront. Alors il n'y aura plus de corps, ni de mental, ni même d'ego. Seul restera le Soi dans toute sa pureté.

La réalisation n'est pas un état à acquérir. Elle est déjà là. Tout ce qui est nécessaire, c'est de se débarrasser de la pensée :  "Je n'ai pas réalisé ";.

Le Soi est toujours perçu directement et à chaque instant. Cette perception est continue. Comment la vérifier? Découvrez le Soi. Vous êtes cela.

Etre le Soi, c'est voir le Soi. Il ne peut exister deux Soi, l'un regardant l'autre."

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Cheminant au gré de ces quelques réponses ensoleillées de Râmana, n'avez-vous pas le sentiment d'avoir rencontré un nouvel ami?


N'avez-vous pas l'impression de marcher en sa compagnie sur les nobles et pures terres des Bouddhas et des Siddhas (êtres réalisés en Inde), terres bénies dont la Vision sans Tête vous a sans doute largement ouvert les frontières, tantôt, avec tant d'évidence et de grâce. Alors en sa compagnie, menez l'enquête: le Soi est toujours si proche.

 


Vous savez où le voir.
Vous savez quand le voir
Vous savez comment le voir.


Mais n'oublions pas, nous ne pouvons savoir le Soi, nous ne pouvons que l'être. Et être le Soi, c'est voir, voir le Voyant.
La perception intuitive directe, la vision sans tête, est un acte de conscience créatif, un acte intérieur, que nous réalisons (et à travers lequel nous nous réalisons) maintenant, ici même. Célébration de la Présence dans la plénitude du présent.

 

par Richard Boyer

 

 

 

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